J’ai appris, le 25 novembre, le décès de Catherine Prévert, la fille de Pierre Prévert. Elle qui avait à cœur de faire découvrir l’œuvre de son père resté dans l’ombre de la caméra a rejoint les étoiles le 7 octobre.
J’écris ce texte comme un hommage à cette fille qui souhaitait faire jour sur le travail de son père et à ce père passionné de cinéma. Et, l’on sait combien l’industrie du cinéma peut être une maîtresse indifférente et sévère avec ceux qui la chérissent !
Pierre s’est voué au 7e art toute sa vie. Inlassablement, il a réalisé des films pour le cinéma (10 films de 1928 à 1959) puis la télévision (7 émissions à partir de 1961). Il a fait œuvre d’amateur tant il a aimé cet art protéiforme, aimé ses collaborateurs parmi lesquels son frère Jacques avec lequel il a écrit bon nombre de projets, ses amis comédiens professionnels ou non qui se sont illustrés devant sa caméra (Jacques-B. Brunius, Louis Chavance, Etienne Decroux, Marcel Duhamel, Maurice Baquet…), ses amis décorateurs (Lou Bonin, Alexandre Trauner), ses amis compositeurs tel Joseph Kosma et tant d’autres… C'était la bande à Prévert quoi !
Alors comment l’œuvre d’un amoureux du cinéma peut-elle rester dans l’ombre, me direz-vous ?
On affirmera alors que Pierre Prévert était un réalisateur séditieux qui a insufflé un ton corrosif et subversif à ses films qui, selon son frère Jacques Prévert, « riaient sans grincer des dents, mais grinçaient des dents ceux qui [les] voyaient ». On se souviendra alors de la fameuse scène du béret français de L'Affaire est dans le sac ! Couvre-chef qui n'est pas sans rappeler la coiffure des fascistes. Son œuvre s’est alors bien souvent heurtée à des producteurs trop frileux et à un public trop habitué aux comédies souvent potaches et grossières que le cinéma commercial voulait bien projeter sur les écrans blancs des salles obscures.
Néanmoins, j’irai plus loin car il serait réducteur de ne percevoir que cet aspect de l’œuvre de Pierre Prévert. En effet, Entre ses mains la caméra devient une arme optique, poétique et pacifique qui se transforme en un moyen d’expression, dont la fonction sociale le métamorphose en l’instrument d’une lutte des classes culturelle. Ses films vilipendent la fausse morale, l’injustice mais se font également les laudateurs de la vie, l’amour, la liberté… Ainsi, la mariée dans l'arbre du Voyage-Suprise représentation de la liberté puisqu'en marge des autres personnages et l'amour par son statut de mariée (sans aucun doute mon préféré !) ! De ses films émerge inexorablement un discours critique duquel jaillit un humour détonnant aux accents surréalistes et poétiques. Ses films sont foisonnants, irrigués par un vent de folie survoltée que rien ne peut endiguer parce que Pierre Prévert est sincère !
En bref, on en ressort grandis tant ils nous font réfléchir sur l’Homme mais on a également inspiré une bonne bouffée d’oxygène tant amour et humour irradient images et dialogues à chaque instant !
Une chose est sûre, Catherine avait raison de vouloir mettre en lumière l'oeuvre de son père ! Nous l'en remercions chaleureusement et tentons par ce modeste article de suivre la voie ouverte par cette étoile...
Le Chou
Filmographie :
1928 | Souvenir de Paris ou Paris Express – CM – scénariste
1932 | L’affaire est dans le sac – MM
1933 | Monsieur Cordon – CM
1935 | Le commissaire est bon enfant, Le gendarme est sans pitié (co-réalisation Jacques Becker) – CM
1943 | Adieu… Léonard ! – LM
1946 | Voyage-Surprise – LM
1950 | Souvenirs perdus – sketch
1955 | Enrico cuisinier – sketch
1958 | Paris mange son pain – CM
1959 | Paris la belle – CM
1961 | Mon frère Jacques – SIX ÉMISSIONS
1962 | Chantons français – SÉRIE
1963 | Le Perroquet du fils Hoquet – LM
1964 | Le petit Claus et le grand Claus – LM
1965 | La Maison du passeur – LM
1966 | À la belle étoile – MM
1966 – 1967 | Les Compagnons de Baal – SÉRIE